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novembre 2, 2025 0 Comments

PME de la construction : entre tradition et transition

Le secteur du bâtiment suisse avance à contre-courant. Tandis que l’attention se concentre sur la fragilité des marchés d’exportation et les tensions commerciales internationales, la construction poursuit discrètement son chemin.

Souvent reléguée au second plan de l’actualité, elle demeure l’un des piliers les plus stables de l’économie nationale. Le secteur de la construction représente près de 10 % du PIB suisse et emploie environ 8 % de la main-d’œuvre nationale, soit près d’un demi-million de personnes.

Selon les dernières analyses, la situation du secteur reste jugée positive par les institutions spécialisées. L’activité se maintient, les carnets de commandes sont remplis et la rentabilité s’améliore. Dans un contexte mondial incertain, cette constance illustre la capacité d’adaptation du bâtiment, soutenu par une demande régulière en rénovation, logement et infrastructures.

Mais l’actualité économique suisse introduit un nouvel élément de complexité : l’abolition de la valeur locative, approuvée par les électeurs à la fin du mois de septembre. Cette réforme, qui supprimera progressivement l’imposition du loyer fictif sur la propriété occupée d’ici à 2028, allègera la charge des propriétaires tout en supprimant certaines déductions fiscales liées aux frais d’entretien et d’investissement.
Les effets sur la construction pourraient être ambivalents : regain d’intérêt pour l’acquisition de logements individuels, mais possible ralentissement des rénovations en raison de la disparition des incitations fiscales.

En Suisse romande, les petites et moyennes entreprises du bâtiment se trouvent au cœur de cette équation. Présentes sur les toits des villas comme dans les centres urbains, elles incarnent la proximité et le savoir-faire artisanal transmis de génération en génération. Ce tissu local, essentiel au dynamisme régional, doit néanmoins s’adapter à des conditions toujours plus exigeantes.

La concurrence accrue des grands groupes bouleverse le paysage. Ces acteurs, dotés de moyens financiers importants et d’équipes pluridisciplinaires, captent une part croissante des appels d’offres. Pour les PME, souvent familiales, la survie passe désormais par la spécialisation, la réactivité et la qualité du travail. Leur proximité avec le client et leur souplesse d’exécution demeurent leurs meilleurs atouts.

Sur le plan conjoncturel, les signaux restent contrastés. L’activité globale se maintient, mais la pression sur les marges s’intensifie : inflation, hausse du coût des matériaux, durcissement des conditions de crédit. Le marché immobilier ralentit, les ménages reportent leurs projets, et les petites structures rencontrent davantage de difficultés de trésorerie et d’accès au financement.

À ces contraintes économiques s’ajoutent des mutations structurelles. La digitalisation des processus – de la planification à la gestion des chantiers – s’impose désormais comme une nécessité. Pourtant, de nombreuses PME peinent encore à franchir ce cap technologique. Le KOF relève que les petites structures restent en retard dans l’adoption des outils numériques, un écart qui pourrait peser sur leur compétitivité à moyen terme.

La transition énergétique, elle, apporte un nouvel élan au secteur. Les besoins en isolation, en pompes à chaleur, en panneaux solaires et en systèmes domotiques sont en forte hausse, portés par les politiques climatiques et la volonté croissante des ménages de réduire leur empreinte énergétique.

Ce potentiel est considérable, mais il se heurte à un problème majeur : la pénurie persistante de main-d’œuvre qualifiée. Maçons, charpentiers, électriciens ou couvreurs se font rares, et chaque départ à la retraite fragilise la transmission du savoir-faire.

Former, transmettre et attirer de nouveaux talents devient un impératif. Le bâtiment souffre encore d’une image vieillie – métiers physiques, peu technologiques – alors que les chantiers d’aujourd’hui intègrent des outils numériques, des matériaux durables et des exigences écologiques élevées. Pour les jeunes générations, le secteur offre désormais des carrières concrètes, stables et socialement utiles.

L’avenir du bâtiment suisse se jouera dans cet équilibre : préserver le savoir-faire artisanal tout en intégrant pleinement les innovations technologiques et environnementales. Les PME, ancrées dans le tissu local, ont un rôle clé à jouer dans cette transition. Préserver leur vitalité, c’est protéger un maillon essentiel de l’économie nationale et assurer la pérennité d’un savoir-faire qui garantit une qualité de construction reconnue et durable.